Réquisitoire de la victime des communistes et des socialistes leurs complices.

Tirade anonyme (et authentique) du début des années 2000.

Cette série de graves accusations qui apportent un éclairage aussi nouveau qu’inattendu sur l’histoire secrète du XXe siècle fut plusieurs dizaines de fois au moins réitérée par un individu qui préféra toujours rester anonyme, choix qu’il convient aujourd’hui encore de respecter quand bien même la menace représentée par les communistes et les socialistes semble avoir aujourd’hui perdu (provisoirement ?) de son caractère d’urgence.

Revêtant toujours la même forme, avec à l’occasion quelques variantes et ajouts mineurs (notés entre crochets dans notre transcription), les accusations en question furent proférées dans des bars, lieux publics ou transports en commun, à Paris, Tours, semble-t-il Orléans, et peut-être également dans d’autres villes, selon un modus operandi qui ne variait guère, dénotant la volonté d’efficacité de l’accusateur, ainsi que celle de quitter le plus rapidement possible le lieu de son intervention, pour des raisons aisément compréhensibles.

Lorsqu’il livrait son témoignage dans un café, l’individu exigeait, et parfois obtenait, le silence, et tenait alors le discours suivant :

« Mes parents d’origine roumaine sont arrivés en France dans les années 1920 et, dès leur arrivée [en France], les communistes et les socialistes,

organisaient des bagarres à l’école et au service militaire contre moi.

Plus tard, les communistes et les socialistes m’ont fait perdre mon emploi,

en vaporisant des gaz qui font dormir.

D’autres vaporisations criminelles sont utilisées par les communistes, et les socialistes [leurs complices], et qui,

non seulement détruisent la dentition, mais rendent également aveugle.

Voilà pourquoi j’accuse les communistes, et [leurs complices (var. 1)] les [dégonflés (var. 2)]

socialistes, je les accuse tous les deux de crimes,

ainsi que la DST, c’est-à-dire,

les services secrets français. »

L’auteur de ces accusations n’a jamais jugé utile de les étayer par des preuves, à moins que celles-ci n’aient été détruites par ses dangereux ennemis. Peut-être doivent-elles être envisagées sur un plan essentiellement métaphorique, mais elles témoignent dans tous les cas d’un vécu qui a connu son lot de difficultés, difficultés qui à l’évidence ne furent pas toutes pleinement surmontées.

Quelque part entre 2005 et 2007, l’homme qui pourrait à certains titres passer pour un précurseur des lanceurs d’alerte, disparut de la circulation. Fut-il rattrapé par ceux dont il dénonçait inlassablement les agissements criminels ? Il faut peut-être le souhaiter quand on considère certaines autres hypothèses qui peuvent être hasardées à propos de cette disparition.

Dans le café que nous fréquentions, il revenait aussi fréquemment que la pluie après le beau temps. Aussi avions-nous fini par connaître par cœur son discours. Un soir, alors qu’il l’entamait, l’ensemble des habitués lui fit chorus et l’accompagna dans sa narration. A l’issue de sa péroraison, nous saluâmes sa performance d’une salve nourrie d’applaudissements.

Il était content, ému peut-être, et il nous serra la main avant de repartir.

Nous sommes quelques-uns à nous souvenir de lui, et à nous être parfois demandé, au moment qu’il franchissait la porte, vers quel monde improbable et inquiétant il retournait.

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