Le Projet E.P.R. (10/10)

(Lire ici la précédente partie du projet EPR)

La fin des années 80 fut sans doute la période la plus heureuse de la vie de Ferdinand Perlochon. Dans la grande maison familiale d’Orléans retentissait régulièrement le rire cristallin de ses petits-enfants, que lui et sa femme observaient grandir avec bonheur. Ils eurent la joie d’assister aux premiers pas du petit Augustin à la Noël 1990. Ferdinand en fut ému jusqu’aux larmes. Au spectacle des menues bêtises de ces représentants de la génération future, il était envahi d’une immense tendresse qui embrassait le genre humain tout entier et lorsqu’il les couvait du regard tandis qu’ils chahutaient dans le salon, il aimait à se demander s’ils seraient heureux plus tard. « En tout cas, nous aurons tout fait pour que ce soit le cas », pensait-il la larme à l’œil. Par ce « nous » il entendait également Kerbrolec et sa bande. Il voyait parfois l’un d’entre eux s’exprimer dans le poste de télévision. Cela le faisait sourire. Plusieurs fois il avait failli leur adresser un signe de la main. « Quel idiot je fais », se disait-il avec indulgence. Il regrettait qu’un photographe n’eût pas immortalisé leur groupe. Il aurait mis le tirage sur la petite table du salon, à côté de la photo de son père. Kerbrolec, Perlochon, Colloré, Leglerc et Phinault, ces bienfaiteurs inconnus de l’humanité, bras dessus, bras dessous. Quels hommes formidables ils avaient été !

Et lorsqu’il pensait à sa disparition, c’est avec sérénité qu’il pensait à la mort. « Même si je n’ai jamais cru en Toi, je ne crois pas avoir démérité : j’ai fait ma part. » Voilà comment il s’adresserait fièrement à son Créateur, si contre toute attente celui-ci existait.

Pendant ce temps les météorologistes du monde entier s’interrogeaient sur les résultats des modélisations de plus en plus élaborées que leurs ordinateurs leur permettaient d’effectuer. Les observations faites au cours de l’été 1988 avaient révélé une variation inhabituelle et potentiellement problématique des températures. Les pays membres du G7 demandèrent immédiatement à l’ONU de créer une commission chargée d’étudier de plus près ces modifications climatiques et dès le mois novembre fut créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avec pour mission de collecter l’ensemble des études publiées sur le sujet pour ensuite les synthétiser dans un langage accessible pour le public et tolérable pour les autorités. Son premier rapport, publié deux ans plus tard, popularisa le concept « d’effet de serre » et indiqua que si celui-ci est pour partie dû à des causes naturelles, certaines activités humaines dont il conviendrait de rechercher avec précision la nature en aggravent notablement la concentration.

Entre le premier et le deuxième rapport du GIEC, publié en 1995, plusieurs études furent menées dont les résultats concordaient sur le fait que le facteur anthropique était déterminant dans le changement climatique, mais là encore la cause précise de ce dernier ne faisait pas consensus. Toutefois, l’ensemble des chercheurs était d’accord pour assurer que, s’il n’était pas stoppé, le mouvement de réchauffement de la planète aurait des conséquences désastreuses pour l’humanité.

Ferdinand ne lisait plus guère les revues savantes. Néanmoins son attention fut attirée par un dossier sur le sujet publié en 1995 par le magazine Science & Vie. Il commença à douter et téléphona plusieurs fois à Kerbrolec pour lui faire part de ses inquiétudes. Le Breton tentait de le rassurer : deux degrés de plus ou de moins, qu’est-ce que ça changeait, au bout du compte ?

Mais Ferdinand n’était qu’à demi convaincu par ces arguments. Il reprit un abonnement à la revue Nature, qui faisait régulièrement le point sur l’avancée des recherches sur les modifications du climat. Peu à peu s’insinua dans son esprit l’hypothèse que peut-être ils avaient fait une terrible erreur. Un soir de 1996, n’y tenant plus, il rappela Kerbrolec :

– Gwendall, ce n’est plus possible. Il faut arrêter l’EPR… Gwendall ? Tu m’entends ?

– Je t’entends, Ferdinand, répondit Kerbrolec d’une voix très calme, je t’entends… Je croyais que c’était impossible.

– Oui… Non… Bien sûr, on ne peut pas le faire comme ça. Ah ! si seulement Phinault n’avait pas enlevé l’interrupteur !

– Comment faire alors ?

– Gwendall, je vais reprendre mes calculs. Je vais trouver une solution, je te le jure.

– Comme tu voudras. Ménage-toi, surtout. Ce n’est plus de notre âge, ces choses-la. Surtout appelle-moi si tu arrives à trouver une solution.

– J’y arriverai, Gwendall. J’y arriverai.

Alors Ferdinand engagea une course contre la montre, contre la vieillesse qui le rendait physiquement plus faible et intellectuellement moins agile. « Mon ultime combat », se disait-il souvent. A ses proches qui s’étonnaient de ce regain d’activité et le suppliaient de se reposer, il répondait simplement que ce ne serait l’affaire que de quelques mois, mais que c’était le sens de toute une vie qui était en jeu dans ce combat, combat qu’il devait mener à son terme avant que sa propre vie ne parvienne au sien. Y parviendrait-il ?

Il y parvint. Le 12 décembre 1997, alors qu’au Japon les représentants de plus de cent quatre-vingt pays s’entre-congratulaient de la signature de l’accord dit de Kyoto et que quelque part dans les étendues mystérieuses de l’océan Pacifique le terrifiant El Niño échauffait dangereusement la surface des eaux, Perlochon téléphona pour la dernière fois à Kerbrolec :

– Eurêka ! Gwendall ! j’ai trouvé !

– Ne bouge pas. Une voiture va venir te chercher. Je convoque tout le monde. N’oublie pas de prendre tes notes avec toi. Toutes tes notes.

Lorsque Ferdinand arriva au manoir de Kerbrolec, la nuit était déjà tombée. Une nuit froide, sombre comme la suie, sans lune pour éclairer la silhouette trapue et vaguement menaçante du manoir que frappaient de brusques rafales de vent avec un sifflement sinistre. Ferdinand fut accueilli, comme à chacune de ses visites, par un domestique en costume breton :

Degemer mat, Aotroù Perlochon. Si vous voulez bien me suivre.

Il traversa le hall dans lequel Gwendall exposait sa collection de tableaux. Il eut un frisson en passant devant le portrait du gros rat blanc, puis s’arrêta sur le seuil de la salle de réception, son porte-document sous le bras.

Ils étaient tous là, assis autour de la table ronde : les trois Colloré, Leglerc, Phinault, et tout au fond, dos à la cheminée, Kerbrolec. « Mon Dieu comme nous avons vieilli ! » se dit Ferdinand avec tristesse en contemplant leurs visages racornis et leurs silhouettes voûtées. Il y avait aussi la jeune génération, les héritiers : dans le fond de la salle, près de la cheminée, le nonchalant François-Henri Phinault, les mains dans les poches ; Michel-Edouard Leglerc, debout derrière son père, avec à la bouche son sempiternel rictus ; et Vincent Colloré, que Ferdinand n’avait pas vu tout d’abord, parce qu’il se tenait près de la porte, en train de tailler avec son couteau dans un bouchon de liège. Tous le regardaient fixement, sans prononcer un mot. Enfin Kerbrolec rompit le silence :

– Entre, Ferdinand. Viens t’assoir. Nous avons à te parler.

Ferdinand obtempéra. Il posa sa mallette devant lui sur la table, l’ouvrit, et en sortit un cahier de brouillon Clairefontaine.

– Voilà. Tout est là, nous…

– Tout ? l’interrompit Kerbrolec.

– Euh… Oui.

– Bien. En existe-t-il des copies ?

– Non, je n’ai pas eu le temps de m’en occuper.

– Qui d’autre que nous est au courant de ce que contient cette mallette ?

– Mais… Personne, pourquoi ?

– Alors écoute-moi Ferdinand. Nous nous connaissons depuis maintenant plus de quarante ans. Nous sommes presque des amis.

Ferdinand reçut un choc en attendant ces mots, car depuis des décennies il considérait Gwendall comme son ami le plus intime. Mais Kerbrolec continuait  :

– Je t’ai fait venir ici parce que j’estime… nous estimons que tu as droit à la vérité.

Ferdinand se sentait de plus en plus mal à l’aise. Les visages fermés de tous ces hommes qui ne cessaient de l’observer, leur mutisme, la froideur du ton de Kerbrolec, tout cela le plongeait dans une sourde inquiétude qui augmenta encore quand il sentit du mouvement dans son dos : c’était Vincent Colloré qui était venu se placer derrière lui.

– Mais… Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il d’une voix presque implorante.

– Ferdinand, tu te souviens de la première fois où nous nous sommes rencontrés ? C’était en 1954, juste après cet hiver terrible. J’avais évoqué l’existence d’études démontrant que la Terre se dirigeait vers un nouvel âge glaciaire.

– Oui, je m’en souviens très bien, répondit Ferdinand que l’évocation de ces vieux souvenirs rassurait un peu.

– Ces études, Ferdinand, en as-tu jamais entendu parler ailleurs que dans mes conversations ?

– Non, puisque tu m’avais dit qu’il s’agissait d’études secrètes.

– Ces études n’ont jamais existé, Ferdinand.

– Qu… Que dis-tu ?

– Ne m’interromps pas, Ferdinand, ce que j’ai à te dire est important : il n’y a jamais eu de crainte de refroidissement climatique. Au contraire. Depuis la fin des années 70 nous savons que le climat va se réchauffer.

– Mais… La machine ? Pourquoi ?

– Pourquoi avons-nous voulu que tu construises cette machine ?

Kerbrolec jeta la tête en arrière et poussa un profond soupir.

– Ah ! Ferdinand ! Sais-tu ce que c’est que de vivre en Bretagne ? C’est un beau pays, certes. Le plus beau du monde assurément. Mais le climat n’y est pas clément. La mer est froide. Il pleut souvent. Tu l’as dit toi-même un jour, souviens-toi.

Michel Colloré se secoua un peu sur sa chaise :

– Oui, enfin il pleut quand même moins qu’en Normandie, bougonna-t-il.

D’un geste Kerbrolec lui signifia de se taire.

– Mes amis ici présents, tous Bretons de cœur et de sang (il s’arrêta un instant, lançant un fugitif coup d’oeil en direction des frères Colloré), sont obligés de passer l’été sur la Côte d’Azur, sous peine de subir les quolibets (Phinault opina gravement de la tête). La bourgeoisie française a poussé l’insulte jusqu’à coloniser l’ile de Ré, juste en dessous de chez nous. Il n’y a que les pauvres qui viennent passer des vacances chez nous, parce que c’est moins cher et parce qu’en raison des rudes conditions de vie qui sont les leurs, ils sont peu regardant sur les températures.

– Mais, Gwendall… Ce n’est pas très grave, murmura Ferdinand.

– Pas grave ! s’emporta tout-à-coup Kerbrolec, pas grave ! De quel droit, Perlochon ! de quel droit te permet-tu de juger de ce qui est grave ou pas pour la Bretagne ! Nous estimons, nous, que c’est grave. Et tu conviendras que nous sommes les mieux placés pour en juger. Nous avons le droit d’avoir du soleil, nous aussi. Vous, les Français, vous nous avez tout volé : notre langue, notre terre, notre identité. Notre soleil ! Nous avons décidé de les récupérer. Dans quelques décennies, le climat de la Bretagne sera aussi doux que celui de la Méditerranée. On se baignera dans nos mers, et personne n’en sortira en grelottant. Nous ferons pousser des oliviers, nous aurons des vignes. On boira du vin breton ! On en exportera, même. Jusqu’en Californie. Pendant ce temps-là vous crèverez de chaleur à l’intérieur des Terres, vous nous supplierez de vous laisser entrer ; à genoux vous viendrez jusqu’à nos frontières nous implorer d’avoir pitié, de permettre de vous installer un petit coin pour survivre aux canicules. Et alors tu sais ce que nous répondrons ? Nous répondrons : souvenez-vous de Conlie ! Tu sais ce que c’est que Conlie, Ferdinand ? Non, bien sûr. Quand on parle de génocide en France, il n’y en a que pour les Juifs et la Vendée. Mais le camp d’extermination de Conlie, personne n’en parle, parce qu’on y a supplicié des Bretons ! Ça s’est passé en 1870…

– En 1871, Gwendall, intervint Michel Colloré.

– 1870 ! répéta Gwendall.

– Excuse-moi Gwendall, mais je t’assure que tu te trompes. J’ai un ancêtre qui y étais et…

– Un ancêtre à Conlie ? ricana Kerbrolec. Toi ? Tu es sûr que tu ne confonds pas avec Caen ?

– Qu’est-ce que ça veut dire ! s’emporta Colloré qui prit appui des deux mains sur la table pour tenter de se lever. J’en ai assez de ces insinuations ! Si tu as quelque chose à dire, dis-le ! Mais dis-le en face, comme un vrai Breton !

– Messieurs ! Messieurs ! Calmez-vous ! voulut s’interposer Edouard Leglerc.

Mais Colloré, qui finalement n’avait pas réussi à se mettre debout et s’était lourdement rassis sur sa chaise, était rouge de fureur et il invectivait depuis sa place Kerbrolec en Breton. Ce dernier ricanait toujours et lui répondait d’un ton aigre qu’il accompagnait de gestes obscènes. Colloré, le visage congestionné levait son poing tremblant d’un air menaçant.

– Je vais me lever, Gwendall ! Je t’assure que je vais me lever ! Je vais venir te casser la…

– Mais vous êtes tous fous ! hurla tout à coup Perlochon en se levant d’un bond.

La querelle retomba subitement. Kerbrolec jeta un regard surpris vers Ferdinand.

– Je l’avais presque oublié ce con-là.

Il fit un petit signe de la main. Aussitôt, Ferdinand sentit qu’on l’agrippait par les cheveux et qu’on lui tirait la tête en arrière. D’un geste rapide et sûr Vincent Colloré lui enfonça son couteau dans la gorge. Un geyser écarlate en jaillit. Colloré lâcha Ferdinand qui s’écroula lourdement sur le sol, où il acheva de se vider de son sang.

– Il est mort ? demanda Kerbrolec depuis l’autre bout de la table.

– Il frétille encore, répondit Vincent Colloré qui observait d’un air de dégoût les soubresauts d’agonie de sa victime, mais ça ne devrait plus tarder.

Il essuya la lame de son couteau sur sa veste. Michel Colloré lui jeta un regard sévère.

– De toute façon mon costume est foutu, expliqua son fils en haussant les épaules.

Ce que devint le corps de Ferdinand Perlochon, nul hormis ses assassins ne le sut jamais. La famille n’ayant pu démontrer qu’il était atteint de démence sénile, la police refusa d’ouvrir une enquête : « des hommes qui décident de disparaître du jour au lendemain pour aller refaire leur vie ailleurs, ça arrive tous les jours », leur expliqua l’officier de police judiciaire, qui estima que le fait qu’au moment de sa disparition Ferdinand était âgé de quatre-vingt huit ans ne constituait pas un argument décisif.

Sa machine pendant ce temps poursuivait sa terrible besogne. Les rapports sur le changement climatique, tantôt alarmistes, tantôt désespérés, se succédaient sur le bureau de Lionel Jospin, alors Premier Ministre, qui pour le désencombrer décida de la création d’un Ministère de l’Ecologie sur le bureau duquel ils purent s’entasser à loisir. Après sa victoire aux élections présidentielles de 2002 Jacques Chirac, qui avait toujours eu l’habitude d’occuper un espace de travail très aéré, en reprit l’idée.

Mais à l’époque du Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, à la fin du mois d’août 2002, alors que dans les conversations les mots de « réchauffement climatique » revenaient continuellement dans toutes les langues, le Président français se souvint de l’expérience de Perlochon de 1976 et de ses conséquences. Se pouvait-il qu’elle eût un lien avec ce réchauffement climatique auquel il ne croyait qu’à moitié et dont il se foutait royalement mais qui lui avait permis de briller lors de son discours sur la « maison qui brûle » avec une belle métaphore filée ? Il résolut d’en avoir le cœur net et téléphona chez Ferdinand.

Ce fut son fils, Gwendall (Ferdinand l’avait baptisé ainsi en hommage à son ami breton), qui lui répondit et lui apprit la mystérieuse disparition de son père cinq ans auparavant. Chirac promit de tirer l’affaire au clair et demanda à son Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, de charger les Renseignements Généraux d’élucider l’affaire.

L’enquête fut longue et laborieuse, les fonctionnaires ayant passé un an et demi à chercher la trace d’un introuvable « Ferdinand Cornichon », mais ils acquirent en 2005 la certitude que l’homme qu’ils recherchaient avait disparu aux alentours du premier semestre 1998 en Bretagne, et que cette disparition avait un lien avec l’entourage de François Phinault.

Chirac connaissait bien Phinault et, hormis sur les questions onomastiques, il avait une bonne mémoire. Il se rappelait que l’entrepreneur breton était impliqué dans la catastrophe de 1976 et comme son intelligence était plus vive qu’il ne le laissait paraître, il parvint à une compréhension partielle, mais assez précise, de ce qui avait pu se passer lorsqu’il eut sous les yeux le relevé des nombreux achats immobiliers qu’avaient effectués en Bretagne non seulement Phinault, mais également Leglerc et les Colloré depuis le début des années 1990. Il eut un entretien téléphonique houleux avec Phinault, qui, sûr de son impunité, ne chercha même pas à cacher son implication dans la disparition de Ferdinand Perlochon :

– De toute façon c’est trop tard, Jacques, tu ne peux plus rien faire. L’EPR continuera de lancer vers le ciel la semence de l’avenir de la Bretagne. Le futur nous appartient.

La métaphore qu’avait employée Phinault fit jaillir la lumière dans l’esprit du Président :

– Quoi ? La machine de Patachon c’est la grosse bite que tu caches au fond de ton jardin ?

– Je… Non… je n’ai pas dit ça, Jacques.

Mais les dénégations maladroites de Phinault convainquirent le Président qu’il avait visé juste. Il ordonna au Breton de lui livrer l’appareil afin que les experts pussent l’arrêter. Phinault refusa, menaçant d’abandonner son projet d’aménager l’île de Seguin pour y construire un grand musée destiné à exposer ses collections si Chirac faisait confisquer l’appareil.

– Mais qu’est-ce que j’en ai à branler de ton musée ! rétorqua le Président, tu sais où tu peux te le foutre ton dépotoir ?

– Je ne plaisante pas, Jacques ! Je ne plaisante pas !

– Mais puisque je te dis que je m’en fous !

Phinault fut contraint de céder. Il mit néanmoins sa menace à exécution dès le lendemain en annonçant par voie de presse qu’il avait décidé d’installer sa fondation d’art contemporain dans le Palazzo Grossie à Venise.

L’appareil de Ferdinand Perlochon fut transporté dans la Manche (« c’est pour les faire chier que je la laisse près de chez eux, expliqua Chirac à son confident Dominique de Villepin, comme ça ils auront leur bite sous le nez sans pouvoir l’attraper »). Un vaste chantier en trompe-l’oeil baptisé « EPR » en une référence transparente (pour les initiés) au nom de la diabolique machination des Bretons fut aménagé dans la commune de Flamanville, au prétexte de construire un réacteur nucléaire dernier cri. L’équipe de physiciens chargée de trouver le moyen d’arrêter la machine estima que les recherches prendraient au plus une dizaine d’années.

Malheureusement l’estimation des physiciens s’avéra aussi présomptueusement optimiste que celle d’un artisan quand il évalue le temps que lui prendra la réfection d’une salle de bains, et à l’heure où nous écrivons les recherches sont toujours en cours. Il faut dire que depuis quelques années celles-ci se poursuivent à un rythme beaucoup moins soutenu que dans les premiers temps. Les scientifiques ne sont en effet pas pressés d’achever leur tâche, car ils retourneraient alors dans les laboratoires vétustes du CNRS où ils seraient soumis à la pression constante de restrictions budgétaires de plus en plus rigoureuses ; et puis ils savent bien que stopper la machine aujourd’hui ou dans vingt ans ne changera pas grand chose : il est de toute façon trop tard pour enrayer le processus infernal qu’elle a enclenché.

FIN

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