Ed, Sev et Jalex montent une start-up (2/5)

Ed, Sev et Jalex reprirent le lendemain matin leur market research au Balto, l’espace de co-working où ils avaient leurs habitudes. Ils commandèrent chacun un café qu’ils burent en consultant sur leurs smartphones les dernières news de leur Insta, puis reposèrent en même temps d’un geste décidé les tasses vides sur le comptoir et passèrent instantanément en mode stand-up meeting.

– J’ai une idée, annonça Ed.

– Moi aussi, renchérit Sev.

– Moi aussi, surenchérit Jalex.

– On va créer une appli, poursuivit Ed.

– J’avais la même idée ! s’exclama Sev.

– Moi aussi ! répéta Jalex.

– Maintenant il ne nous reste plus qu’à trouver un brand name, réfléchit Ed.

– Et un développeur, nuança Sev.

– Et un financement, termina Jalex.

Ils allèrent s’asseoir à une table du bistrot, très satisfaits du résultat de ce petit makestorming matinal qui avait permis de bien avancer dans le creating process de leur start-up. Ils étaient dans un excellent mood et ils restèrent un moment silencieux, plongés dans les eaux claires de leurs pensées, s’imprégnant des good vibes environnantes.

– Excusez-moi, messieurs, dit soudainement une voix à côté d’eux, mais j’ai sans le vouloir entendu une partie de votre intéressante discussion…

Les trois jeunes gens eurent un petit toussotement gêné : l’inconnu, un élégant quinquagénaire qui caressait d’une main la pointe de sa moustache grise impeccablement taillée, avait appelé « discussion » ce qui était en fait un decision-making process. Mais ils ne dirent rien parce que l’homme en question était bien habillé, qu’il buvait un café et avait posé devant lui son exemplaire du Figaro. Cela tranchait avec les autres utilisateurs de l’espace de co-working, des hommes d’âge mûr au visage usé coiffés de casquette et qui complétaient leurs tickets de PMU en buvant des ballons de vin blanc.

– … et je me suis dit que je pourrais peut-être vous aider, continua-t-il en tendant à Ed sa carte de visite.

Les yeux d’Ed s’écarquillèrent lorsqu’il eut pris la carte entre ses mains. Sans un mot il la passa à Sev, qui en demeura bouche bée et la remit ensuite à Jalex, qui étouffa une exclamation de stupeur. Les yeux de l’inconnu pétillaient de malice en observant leur manège et ses lèvres se retroussèrent en un petit sourire cruel. Sur la carte étaient simplement indiqués en une élégante calligraphie son nom, « Ange Lucifer » et son activité « investisseur indépendant ».

– Vous semblez surpris, messieurs, dit l’homme d’une voix doucereuse, quelque chose vous effraie, peut-être ?

– Le nom qui est marqué là… balbutia Ed.

– Oui ? l’encouragea Lucifer.

– Il est doré à chaud ? s’enquit Sev.

– Je vous demande pardon ? demanda Lucifer.

– Et le papier c’est au moins du six cents grammes, non ? interrogea Jalex.

– Je… je ne sais pas, répondit Lucifer, je suppose, oui… Et le nom ? Vous n’avez pas de remarque à faire sur le nom qui est écrit ?

– Maintenant que vous le dites, je l’aurais un peu décalé vers le haut, concéda Ed.

– Avec un lettrage un peu plus design, conseilla Sev.

– Oui, là on dirait du Old Script, critiqua Jalex.

– En Germanica ce serait mieux, soutint Ed.

– Mais c’est classe quand même, le rassura Sev.

– Ah ! oui c’est super classe ! amplifia Jalex.

Lucifer regarda alternativement les trois jeunes gens d’un air dubitatif. Puis il ferma les yeux et se plongea dans ses réflexions. Ed, Sev et Jalex attendirent patiemment qu’il en émergeât.

– Que diriez-vous, messieurs, reprit finalement Lucifer, que nous nous retrouvions dans un lieu plus… propice à une discussion d’affaires.

– Vous savez le business c’est surtout un state of mind, énonça Ed.

– Jeff Bezos a commencé dans un garage, explicita Sev.

– Mais on veut bien vous rencontrer où vous voulez, concilia Jalex.

– Oui le stand-up meeting c’est un process assez flexible, indiqua Ed.

– On peut en faire partout, développa Sev.

– On en fait souvent dans la rue, témoigna Jalex.

– Bien, soupira Lucifer, donc vous ne voyez pas d’objection à ce que nous fixions un rendez-vous à mon bureau ? J’ai pour ma part besoin d’un cadre un peu solennel pour conclure les marchés que je passe avec les… heu… les entrepreneurs.

Ed, Sev et Jalex, même s’ils estimaient en ce qui leur tenait lieu de for intérieur que ce Mr Lucifer manquait de cette adaptability qui fait le success des Steve Jobs ou des Elon Musk, n’y voyaient pas d’inconvénient et ils convinrent de se retrouver le lendemain à l’heure et à l’adresse que l’investisseur leur communiqua.

à suivre ici

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